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Averroes Osbourne
Averroes Osbourne
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Métier : Médicomage à Ste Mangouste, épurant les corps éprouvés des empoisonnements par potions et plantes
Localisation : Prisonnier des hantises de ses propres souvenirs
Sang : Sang-mêlé
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Une pellicule de sueur froide lui gelait la nuque lorsqu'il s'éveilla en sursaut, un cri sourd à la bouche surgi du néant de ses cauchemars. D'une main fébrile, Averroes repoussa les couvertures tièdes qui soudain l'étouffaient et s'assit au milieu d'un lit aux draps défaits, froissés, trahissant à eux seuls l'agitation de son sommeil. Le souffle court, il laboura son crâne avec l'angoisse tremblante des mains qu'il glissa dans ses cheveux d'encre pour les rabattre en arrière. Les hurlements se répercutaient encore dans sa tête tandis qu'il se pressait les tempes comme pour les faire taire, mais seules les secondes défilant avec une lenteur cruelle parvinrent à estomper le souvenir des cris. Ceux de sa collègue, ceux des patients. Les siens. La gorge soudain sèche, il balança ses jambes hors de son lit et saisit le bois de saule de la baguette qui ne quittait plus son chevet depuis la guerre. Se levant précipitamment, il illumina aussitôt la semi pénombre qui nimbait la salle de garde de l'hôpital.

"Lumos" murmura-t-il d'une voix tremblante, encore enrouée par une trop courte heure de sommeil.  Le sortilège envoya des sphères de lumière illuminer des niches scandant les murs autour de lui, accusant les reliefs parcheminés d'une pile de dossiers striés d'encre qu'il lui restait à examiner. La lueur  réchauffant soudainement la salle de garde allégea le poids qui lui plombait encore le cœur, comme si grappiller quelques brins de lumière pouvait amoindrir ses propres noirceurs. Il se réjouit amèrement en une pensée fugace que personne n'ait pris de repos en même temps que lui tant il avait honte de se réveiller dans de pareils états de terreur, pétri d'angoisse, réduit à l'état d'une poupée de chiffon par son inconscient.

S'efforçant de retrouver son souffle, Averroes quitta sa chambre pour l'alcôve qui tenait lieu de salle de bains et remplit d'un Aguamenti le bassin argenté dont son Lumos soulignait les reflets métalliques. Il plongea les mains dans l'eau qu'il avait voulue glacée en s'aspergeant le visage, le frottant avec toute l'énergie de sa détresse pour ôter de sa rétine les images que le cauchemar y avait imprimées de nouveau. L'onde froide agit comme un coup de fouet au moins pour son sang-froid, et c'est en ayant la respiration seulement hachée par l'eau glaciale qu'il releva enfin la tête. Maîtrise-toi, bon sang. Il ne jeta pas une once de regard au miroir qui surplombait le bassin tant il redoutait d'y affronter son propre reflet. Il savait déjà ce qu'il y trouverait ; la barbe noire qu'il n'avait pas rasé depuis plusieurs jours, le bleu des cernes aux yeux, et la hantise tout au fond d'eux. La porte de la salle de garde s'ouvrit alors dans son dos en un chuintement, accueillant un collègue qui ne manquerait pas de le prendre en flagrant délit d'état de faiblesse. Crispant ses mains sur le rebord du bassin métallique jusqu'à ce qu'y saillent les veines, Averroes s'éclaircit la gorge en s'efforçant de maîtriser les tremblements de sa voix. "Je laisse la place tout de suite." Il n'ajouta rien de plus, fidèle à sa réserve habituelle et peu désireux de trop parler de peur de trahir ses propres frissons.


Sienna Roscoe
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La soirée lui semblait interminable. Les urgences avait été prises d'assaut dès le début de sa garde et elle n'avait pas touché terre depuis, prenant trop peu de moments de repos, ignorant son ventre qui hurlait famine. Elle avait dû s'occuper d'un groupe de jeunes adultes qui étaient visiblement sous l'emprise d'une substance inconnue et s'était battue seule contre leurs symptômes et leur mutisme. Elle n'était parvenue qu'au dernier moment à identifier ce qu'ils avaient pris et avait concocté en quelques minutes de quoi les guérir. Ils se reposaient maintenant, allongés dans les lits et elle ne s'était toujours pas reposée.

Elle ingurgita rapidement une salade qu'elle avait préparée le matin même et repartit au combat. Analyser, suturer, endormir, soulager, écouter, rassurer... Les  heures passèrent rapidement et avec elles, l'énergie de Sienna s'étiola. Elle était épuisée et alors qu'il ne lui restait que trois heures avant d'avoir terminé, elle se dirigea en baillant bruyamment vers la salle de garde. Elle la partageait ce soir avec deux autres médicomages répartis dans les étages et ignorait totalement si elle serait disponible à son arrivée mais elle gardait l'espoir de pouvoir s'allonger quelques dizaines de minutes pour pouvoir terminer sa garde dans les meilleures conditions possibles. Et puis, elle n'était pas à l'abri d'un rush de fin de nuit, quand tous les soignants avaient pour espoir de rentrer chez eux pour s'allonger. Elle avait cependant d'autres projets. Décembre était là et elle savait qu'elle irait, ce matin, profiter du premier jour des illuminations de Noël.

Les couloirs de Ste Mangouste étaient calmes et elle posa rapidement sa main sur la poignée de la chambre de garde. Baillant à nouveau, elle poussa la porte pour découvrir le lit défait. Un collègue était-il encore là ou avait-il dû partir si rapidement qu'il avait dû laisser son sommeil dans les draps défaits? Le bruit du robinet qu'on ouvrait dans la salle de bain lui apporta sa réponse. Ainsi que la voix éraillée d'Averroes. "Je laisse la place tout de suite."  Était-ce la fatigue ou y avait-il une ombre dans sa voix? Elle s'installa dans le fauteuil près du lit, croisant ses pieds sur la petite table proche. "Tout va bien?" Il n'était pas encore sorti et elle ne pouvait s'empêcher de marquer son inquiétude; quelque chose n'allait pas. Elle se redressa et se rapprocha de la porte de la salle de bain.  "Averroes, tout va bien !?"
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Son reflet avait beau le dévisager depuis le miroir assombri de pénombre, il ne reconnaissait pas l'œillade hantée dont le ravageait son double depuis le mur, ses yeux comme deux vastes tréfonds couvant l'effroi sous leurs rétines embuées de cauchemar. Rien ne subsistait du calme rassurant qu'il parvenait par absurde miracle à garder encore en façade pour le bien de l'hôpital, des patients et de ses étudiants, et qui se liquéfiait sitôt venus le silence assourdissant, la solitude étouffante. Au cœur des nuits de souvenirs hurlants, seul lui dévorait les iris l'ampleur de son propre désastre et son cœur palpitant la douleur d'une vie en arythmie. Tâchant de reprendre ses esprits et d'estomper les ricochets de l'abject songe pulsant encore de visions meurtrières sous ses paupières, le guérisseur s'insufflait des respirations forcées pour que se reconstitue un semblant de dignité avant de devoir rouvrir la porte, quand résonna depuis l'autre versant l'inquiétude d'une voix qu'il ne connaissait que trop bien. Sienna - Sienna et l'infinie sollicitude émanant de ses intonations, fuguant depuis sa voix et traversant le chêne de la porte comme si rien dans ce bas monde n'aurait pu faire obstacle au souci qu'elle se faisait pour lui.

Il plissa les yeux, les garda obstinément clos tandis qu'il l'entendait se rapprocher du seuil et renouveler son appel. Elle entre tous ici, la seule à qui il aurait pu tout dire et qui aurait tout su entendre, et la dernière à qui il voulait imposer le poids de ses blessures, l'humiliante vision de lui qu'il s'apprêtait à lui donner. Admettre que des houles d'angoisse le submergeaient reviendrait à s'avouer qu'il s'y noyait, et rien en lui n'y était encore prêt - ce reflet qui le dévorait du regard devait rester confiné dans la prison de son miroir et le laisser porter son masque de mensonge, mince et seule dignité à laquelle il se cramponnait pour mieux nier le naufrage. D'ultimes gouttelettes d'eau glacée lui dévalèrent les joues comme les larmes qu'il ne pleurerait plus sitôt sa main posée sur la poignée de laiton, sitôt l'entrebâillement s'élargissant sur la silhouette de Sienna. Elle avait déjà trop de ses fatigues et de l'amour blessé de ses propres souvenirs pour qu'il l'accable encore par égoïsme de ce qu'il traînait lui-même vissé aux chevilles. Elle méritait mieux que ça, même s'il la connaissait assez bien pour savoir qu'une telle logique lui aurait valu un déferlement de protestations. Il devinait aussi d'avance la clarté perspicace de ses iris s'il osait opposer aux sources de ses inquiétudes un déni auquel elle ne croirait pas. L'anglaise avait toujours brillé trop fort pour ne pas savoir mettre à nu les ombres traîtres tapies dans les recoins, cherchant à mieux fuir sa lumière.

Exhalant un souffle qu'il voulut moins suspendu aux frissons nauséeux de son myocarde, Averroes glissa une main nerveuse dans ses cheveux sans parvenir à en discipliner vraiment le désordre - non pas né de la la nonchalance désinvolte auréolant le dormeur reposé, mais de l'agitation confuse d'un homme harcelé par son passé. Le lent grincement du bois pivotant sur ses gonds accompagna la porte plaintivement lorsqu'elle dévoila à Sienna la stature amaigrie de sa silhouette élancée, le halo mauve cernant ses yeux, l'épuisement accusant chaque angle de son visage. Sa propre fatigue lui parut un écho de celle qu'il lut sur le visage de la guérisseuse, raffermissant sa décision de ne l'impliquer en rien dans ce qu'il traversait. "Tout va bien." Mensonge. Son reflet le dévisageait encore sans doute depuis le miroir, mais il laissa le battant de la porte de la salle de bains se refermer sur lui, dans son dos Sans parvenir à formuler le moindre sourire qui aurait achevé de rassurer Sienna, le sorcier passa une main exténuée sur son visage comme pour désigner l'épuisement pour seul coupable, tentant de se concentrer sur le son de sa propre voix pour mieux faire refluer celles qui par vagues revenaient en échos de son cauchemar. Les voix qui suppliaient, les voix que l'agonie égosillait, les voix noyées en bulles de sang qui grésillaient, gémissaient, s'éteignaient. "Je me suis juste réveillé en sursaut, pardonne-moi de t'avoir inqu.." Non loin dans l'hôpital, une porte adjacente se referma dans la brutalité d'un claquement foudroyant qui lui arracha un brusque sursaut et lui dilata les pupilles d'une peur irrationnelle, regard braqué vers la porte de la salle de garde tandis que cauchemars et réalité fusionnaient dans le creuset de son coeur une confusion abjecte. Ce banal paysage sonore que Sainte-Mangouste avait toujours déployé et qui un jour avait pour lui eu des airs de foyer se répercutait désormais en échos d'angoisse dissonante, souvenirs d'éclats de violence en sang vermeil et noir funèbre, tandis que les mots lui restaient coincés en bouche, captifs de dents qui menaçaient de bientôt claquer.

Sienna Roscoe
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Elle était épuisée des heures de garde, des nuits sans sommeil, des soirs sans lumière mais l'inquiétude s'était déversée dans ses veines avec la rapidité du désespoir et cette injection d'adrénaline lui avait rendu l'énergie qu'elle n'avait plus. Elle attendit à la porte, impatiente, qu'elle finisse pas s'ouvrir sur son ami; il y avait quelque chose de fragile entre eux, quelque chose que la guerre avait renforcé, en en gommant le plus simple. Ils n'avaient jamais trop osé reparler de la guerre, conscients que leur expérience commune, sous les attaques, les bombardements et jusqu'au moment où elle avait fini par fuir, la noyant de culpabilité à l'idée d'être partie sans lui, avait scellé quelque chose entre eux; quelque chose de doux, d'évident et de fort, bien plus fort que ce qu'elle croyait partager avec Trevelyan, finalement. Mais s'ils avaient parlé alors, de l'angoisse, des souvenirs de la guerre, des morts, des baguette sur leurs tempes, des cambriolages, de la violence et de la peur, que serait-il resté d'eux? Que serait-il sorti s'ils s'étaient confié manquer de sommeil, faire des cauchemars, être réveillés en sursaut? Comment auraient-ils fait alors, pour s'en extraire et ne plus s'y noyer? Sienna avait pris le parti de laisser cela derrière elle, de savourer la vie et chacune de ses victoires aux urgences était réparatrice. Mais elle sentait bien qu'Averroes ne parvenait pas à classer ces événements comme elle tentait de le faire, et elle ignorait comme l'aider, elle ne savait plus quoi faire pour qu'il émerge. Sienna posa la main sur la poignée alors que celle-ci tournait sous ses doigts.  "Tout va bien."  Mensonge.  Elle le voyait à son regard qui évitait le sien, à ses yeux fuyants, lardés d'un trait sombre, signe d'insomnie. Il lui mentait parce qu'il n'avait pas confiance en elle, ou parce qu'il savait qu'elle ne lui serait d'aucun secours. Et comment aurait-elle pu le blâmer pour penser cela? Il n'y avait pas de secours à apporter aux survivants; on leur demandait d'être heureux parce qu'ils étaient en vie, on les priait de reprendre leur vie comme avant, sans savoir qu'ils étaient un peu morts également, sous les gravas, sous les sortilèges ou à Poudlard, au détour d'un couloir, au détour d'un sortilège durement prononcé. Et il n'y avait rien qu'elle puisse faire pour son ami. Elle l'écouta commencer à formuler un nouveau mensonge, convaincue qu'elle allait le laisser finir et approuver vigoureusement pour ne pas avoir à le forcer à continuer plus avant. Elle l'observa sursauter au son d'une porte qui claque et vit passer dans ses yeux l'expression de terreur qu'elle y avait déjà vu, des mois auparavant. Ils avaient dû soigner un mangemort, tous deux menacés par une baguette, promesse de mort s'ils échouaient. Sienna se faisait hurler dessus par un homme cagoulé et, les mains dans le corps de la victime, tentait de faire ce qu'elle pouvait, les yeux d'Averroes vissés aux siens, ses propres larmes dévalant ses joues. Ils étaient repartis lorsqu'il avait été stabilisé, ne laissant plus dans la pièce que le sang ayant violemment giclé sur les murs et la peur prégnante de n'être plus en sécurité à l'hôpital et que même cela leur avait été retiré. Mais la guerre était terminée, ils avaient gagné et s'ils leur faudrait du temps pour cicatriser, elle ne pouvait le laisser comme cela, sursautant au son d'une simple porte claquant. "Tout va bien, c'était qu'une porte, tout va bien.." Elle posa une main sur son bras, espérant gommer de ses yeux cette peur froide qui ne le quittait plus. "Tu peux pas rester comme ça Averroes, il faut qu'on s'occupe de toi." Elle savait qu'elle pouvait l'abreuver de paroles sur le Syndrome post Traumatique sans qu'il ne s'y reconnaisse, trop désireux qu'il était de ne déranger personne et d'être discret. Mais elle l'aiderait, qu'il le veuille ou non. Elle lui chuchota "Je refuse de te perdre parce qu'on ne se sera pas occupés de guérir, nous-même, tu m'entends?" Depuis des mois, elle n'avait plus eu de discussions à cœur ouvert et il lui sembla que les mots avaient du mal à sortir alors qu'elle avait envie d'en dire plus, tellement plus.

Averroes Osbourne
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Musique




Salve après salve, la mitraille affolée de son cœur détonnait sa déroute en canonnade assourdissante, résonnant en palpitations d'angoisse jusqu'à ses tempes. Soufflé par la déflagration panique où il se fragmentait, sa lucidité menaçant d'être pulvérisée en bris d'éclats ne dût qu'à la voix de Sienna, qu'à sa main rassurante contre son bras, de ne pas sombrer dans les tranchées de peur abjectes où il se serait enseveli sans elle. D'un seul toucher qui l'ancra de nouveau dans leur réalité, elle repoussa l'écho strident des hurlements qu'il attendait d'entendre se répercuter par les couloirs, pour les cribler d'Impardonnables en relents de cauchemars. Comme un voile de fumée se lève passée la secousse explosive, les souvenirs d'attaque et de tortures ressuscités se dissipaient lentement à la chaleur solaire dont le consolait Sienna, exorcisés dans les brumes abîmées de sa conscience en spectres menaçants d'évanescence. La porte avait claqué contre ses gonds, tonné à même ses nerfs, mais ce n'était qu'une porte. Ce n'était qu'une porte, et les chimères de la nuit noire qui l'enterraient pantelant au creux des oreillers où s'époumonaient ses terreurs, ce n'était qu'un rêve qu'il pouvait nier au matin, et la coupe de cristal maladroitement brisée par Avalon au déjeuner dominical, ce n'était qu'un verre - ce n'était pas les réserves de l'hôpital pulvérisées en mille tessons d'élixirs salvateurs dilapidés, de philtres brutalement brisés d'un revers de baguette dont les gouttelettes s'étaient diluées, sur le carrelage glacial, aux éclaboussures de son propre sang. Ce n'était rien de tout cela, ce n'était qu'un verre. Il l'avait cru pourtant, le temps de quelques instants fracturés où sa propre famille s'était atterrée de la violence de son sursaut et des iris hantés dont il avait dévisagé, en étranger, la sécurité mensongère de leur salon et les échardes éparpillées de verre. Les même sens dilatés de peur, les mêmes muscles tendus l'emprisonnaient maintenant dans des rets d'impuissance et d'anxiété, proie aux abois battue, prostrée dans une cage de dégoût et déni jusqu'à s'en pétrifier. Le réconfort qu'avait alors voulu lui prodiguer sa sœur s'était heurté, vainement, aux murailles d'évitement derrière lesquelles se barricadait son état réel, si hautes et si épaisses qu'il n'en discernait plus lui-même l'horreur de ce qu'il y calfeutrait. Mais ses murs s'effritaient cette nuit sous la douceur du regard de Sienna, et la consolation qu'il avait déniée d'Avalon, Averroes l'acceptait maintenant de la sœur providentielle que la vie avait placée sur son chemin.

Ses doigts tremblants se refermèrent sur ceux qu'elle gardait apposés contre son bras. Serrant silencieusement la main de la guérisseuse dans un élan de reconnaissance honteuse, il détestait chacun des frémissements dont ses phalanges trahissaient sa faiblesse, et se maudissait de n'avoir  pas la force, ce soir, de nier ce qu'elle observait de ses propres yeux ; la force de s'arracher un rire et balayer l'affaire d'un simple c'est vrai, ce n'était qu'une porte, je ne sais pas ce qui m'a pris - alors qu'elle voyait, qu'elle savait. Peut-être même mieux que lui. "Tu ne me perdras jamais, je te le promets." Sa main pressa la sienne un peu plus fort encore pour mieux la rassurer, serment mutique de ne jamais s'ajouter à ce qu'elle avait déjà perdu et dont il connaissait trop bien le nom, fantôme d'amour dont il lisait parfois toute la douleur en son regard lorsqu'elle se pensait invisible. L'indicible dégoût qu'il s'inspirait en sombrait à son apogée, de lui avoir imposé une vision de lui si pitoyable qu'elle en vienne à redouter de le perdre ; comme s'il pouvait tolérer de lui infliger une source d'inquiétude supplémentaire. Comme si elle méritait, après tout ce qu'ils avaient vécu, qu'il continue à feindre et ne soit pas enfin sincère...

Averroes relâcha doucement leurs doigts liés, laissant s'affaisser ses épaules puis sa silhouette entière contre le lit drapé de mauvais rêves encore froissé des couvertures défaites où s'étaient assourdis ses cris. Les mèches obscures de ses cheveux frôlaient confusément ses traits regravés de fatigue, rongés par la pénombre ambiante, tandis qu'il renversait la tête et s'intimait de respirer, rivant le bleu épuisé de ses yeux au ciel comme s'il pouvait y discerner l'espoir d'une rédemption. "Combien d'empoisonnements j'ai déjà neutralisés, Sienna ? Depuis que l'on est diplômés, depuis que j'ai commencé à exercer ici... Combien d'élixirs vénéneux, combien de philtres toxiques j'ai pu déjouer ? Alors pourquoi ce poison-là, je n'arrive pas à... " Sa détresse acheva de le faucher et il enfouit sa tête au creux de ses mains, glissant de  longs doigts crispés dans ses cheveux noirs comme si eux seuls pouvaient suffire à empêcher de lâcher les sutures malhabiles dont il couturait son esprit, là d'où pourraient se déverser de pures sanies de souffrances. "Pourquoi je ne trouve pas d'antidote à moi..." Sa voix infuse d'une douleur sourde ne parvenait plus qu'étouffée, tandis qu'il combattait silencieusement le chaos de son propre cœur, insecte pris dans une toile d'araignée qui n'en cessait de s'y engluer à mesure qu'il se débattait. L'araignée avait beau être morte et toutes ses cruelles pattes tentaculaires s'être recroquevillées à sa suite, sa toile se tissait encore affreusement d'horreurs collantes dans les recoins de ses souvenirs. Le dicton favori de son ancien professeur de faculté lui revint en mémoire, et il revit l'étudiant fasciné pétri d'une gravité confiante qu'il avait incarné, un jour, notant soigneusement l'aphorisme d'encre sur parchemin. "Les seuls poisons mortels sont ceux dont on a pas encore trouvé l'antidote." Ces mots l'avaient porté jusqu'aux lauriers de son diplôme et n'avaient cessé de l'inspirer, médicomage cherchant sans plus aucun répit à concocter de nouveaux remèdes au peu d'empoisonnements résistant opiniâtrement aux rémissions miracles de la sorcellerie. Mais s'il n'y avait aucune panacée, à ce poison dont il souffrait ? Comment pouvait-on s'administrer un quelconque antidote, lorsqu'on se noyait dans le venin de son propre passé..?

S'efforçant une inspiration profonde, il passa une main hagarde contre son visage tandis que l'autre effleurait sa blouse de médicomage, tendant à l'attention de Sienna la missive méticuleusement pliée qu'il en sortit. Le pli portait le sceau brisé du Ministère de la Magie et convoquait solennellement Averroes en qualité de témoin au cours du procès Dolohov. Fixées aux surlendemain, la date et l'horaire de l'audience ne lui avaient été révélées par le biais de cette lettre que ce matin-même, mandement tardif d'un gouvernement craignant trop quelque tentative d'évasion de la part des Mangemorts encore en liberté pour annoncer le procès en avance. Deux jours, c'est tout ce dont il disposait pour se préparer à faire face au tortionnaire dont la haine et le Doloris se répercutaient encore dans les plus invivables de ses remembrances, dont il entendait encore la voix froide le soumettre d'un Impero et l'obliger à trahir le mot de passe de leur précieuse réserve pharmacomagique, condamnant d'un seul mot tous les futurs patients que ces baumes gâchés, que ces étagères d'élixirs fracassés auraient pu sauver. "Le compte-rendu d'audience et du procès sera rendu public d'ici quelques jours ,et alors tout le monde saura. Tu sauras à quel point j'ai laissé tomber l'hôpital, les patients, tout ce que tu m'avais confié." Sa voix flancha, et il ne put même se résoudre à croiser le regard de Sienna tandis qu'elle dépliait la lettre, gardant ses iris dévorés de culpabilité contre les stries marbrées du carrelage froid. Jamais il n'oublierait le soulagement viscéral qu'il avait éprouvé de la voir enfin se réfugier en lieu sûr, elle dont le sang avait été jugé indigne de leur monde et que son Auror avait emmenée loin - de lui, de l'hôpital, des Mangemorts qui n'y apparaissaient que pour y semer la guerre, des Rafleurs qui étaient venus flairer sa piste jusqu'en son hall sacré. Jamais il n'oublierait  la façon dont il l'avait serrée dans ses bras avant qu'elle ne s'échappe enfin, ce remerciement fier et silencieux de l'avoir connue déposé en baiser contre son front, sans même savoir s'il la reverrait vivante. Il ignorait même jusqu'au lieu où elle partait se réfugier - et quelle chance infinie de n'en avoir rien su, lorsque les Rafleurs avaient tenté de le lui faire avouer sans jamais réussir à lui extraire l'information précieuse qu'il ne possédait pas. Les sorts et le sang n'y avaient rien fait, il n'en avait aucune idée. A l'abri. Elle est à l'abri. Jamais il n'oublierait le serment qu'il lui avait fait avant qu'elle ne transplane, celui de prendre soin de leur hôpital et des patients qui viendraient y panser leurs plaies, cette promesse qu'il avait trahie en livrant leur réserve à l'assaut  violent des Mangemorts qui s'y étaient déchaînés en carnage. Ses lèvres avaient bougé, mues par l'Impardonnable asservissant toute étincelle de volonté, et il avait laissé tomber aux mains de leur ennemi le mot de passe comme leur tout dernier bastion de médicaments. Il n'existait aucun pardon pour ce qu'il avait commis, ce jour-là. Aucun pardon, non plus, pour l'odieux égoïsme dont il faisait preuve en déversant face à Sienna le fiel de sa conscience quand il n'avait aucun droit de se plaindre. Il n'avait rien enduré de ce qu'elle avait subi, il n'avait pas dû fuir ni combattre en enfer en trébuchant sur l'innocence envermeillée de jeunes corps sans vie - et c'était lui pourtant, qui la privait de repos en déversant des affres qu'il aurait dû garder secrètes. "Je te demande pardon, je n'ai... Je n'ai aucun droit de t'accabler ça, toi moins que personne." L'outremer tourmenté de ses yeux grimpa enfin jusqu'aux mandorles azurées de Sienna, toutes infusées d'une douceur folle qu'il ne méritait pas, et il aurait pu le lui répéter cent fois, mille fois. Je te demande pardon. Je te demande pardon...



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